Les Templiers à Chypre

Initialement province de l’empire byzantin, Chypre s’en détacha en 1184 lorsque Isaac Comnène prit le pouvoir et se proclama empereur. Richard Cœur de Lion se rendit en Terre sainte lors de la troisième croisade, s’empare de l’île en 1191 et la vendit aux Templiers pour 40 000 besants. Une révolte des habitants, consécutive à la création d’un nouvel impôt par les Templiers, entraîne ces derniers à rendre Chypre au roi d’Angleterre dès 1192. Richard vendit alors l’île à Guy de Lusignan. En 1197, son frère Aimery est couronné roi de Chypre.

 

Progressivement, des populations latines, commerçants génois et pisans, mais aussi des nobles de Syrie, s’agrégèrent aux populations grecques, maronites, arméniennes et juives présentes à Chypre. Templiers, Hospitaliers, Teutoniques acquirent des domaines sur l’île et en assurèrent la défense. C’est probablement en réponse au pape Innocent III – qui, en 1198, donna aux frères l’ordre de protéger Chypre contre une éventuelle attaque byzantine – que les Templiers bâtirent le château de Gastria, près de Famagouste, et les Hospitaliers celui de Saranda Kolones, derrière le port de Paphos. Parmi les autres châteaux templiers : Yermossoyia et Khirokitia dans le sud de l’île, Limassol, quartier général de l’ordre à Chypre (siège du maître de la province ou commandeur de Chypre : c’est là que réside Jacques de Molay au début de l’affaire du Temple et c’est de là qu’il part pour la France en 1307 quelques semaines avant l’arrestation des frères), tandis qu’à Kolossi les Templiers exploitaient la canne à sucre. Les Templiers étaient également présents à Nicosie et Famagouste où ils possédaient des maisons : les deux chapelles jumelles de Famagouste, encore en place et traditionnellement attribuées au Temple et à l’Hôpital, seraient, selon Jean-Bernard de Vaivre, des églises érigées au XIVe siècle par des communautés non identifiées.

Aux mains des Lusignan, Chypre fut une place stratégique d’importance pour les croisés, leur permettant de rassembler des troupes et leur procurant des hommes et du ravitaillement à destination de la Terre sainte. L’expulsion des Latins de Terre sainte après la chute de Saint-Jean d’Acre en 1291 fut à l’origine d’un afflux de population dans l’île que la couronne eut bien du mal à gérer. Limassol, où de nombreux réfugiés s’étaient installés, devint le quartier général à la fois du Temple et de l’Hôpital. Les Hospitaliers y construisirent un hôpital en 1297 et les frères des deux ordres y développèrent une flotte qui leur permit de mener des raids navals contre le littoral syrien. Entre 1299 et 1301, avec le concours de la couronne chypriote, ils tentèrent de coordonner leur campagne militaire contre les Mamelouks avec les Mongols de Perse. Ambitieux, le projet se solda par un échec et, en 1302, dans l’île de Rouad, quelque 500 Templiers furent tués ou capturés lors de l’attaque d’une puissante flotte mamelouke.

 

Après la chute du Temple, l’Hôpital s’installa à Rhodes et les Teutoniques en Prusse. À Chypre, ces deux ordres se contentèrent de maintenir leurs domaines accrus des biens du Temple.

 

Lors du procès, on apprit que les Templiers de Chypre conservaient dans leur église de Nicosie la relique d’une épine de la couronne de la Passion qui, selon eux, fleurissait chaque Vendredi Saint à midi. Pour les Templiers, c’était la preuve que l’ordre était saint puisque même les épines conservées par le roi de France ne fleurissaient pas…

 

 

Sources : Nicholas Coureas, Prier et combattre. Dictionnaire européen des ordres militaires au Moyen Âge, Paris, Fayard, 2009, pages 227-229 ; Alain Demurger, Les Templiers. Une chevalerie chrétienne au Moyen Âge, Paris, Seuil, 2005, p. 151-152 ; Simonetta Cerrini, Le dernier Jugement des Templiers, Paris, Flammarion, 2018, pages 55-58.