par Philippe Josserand, maître de conférences HDR en histoire du Moyen Âge à l’Université de Nantes
La destruction de l’ordre du Temple, au début du XIVe siècle, fut un choc – Michelet parlait même d’une rupture entre deux époques de l’histoire de France. Suivie par la mort sur le bûcher du dernier grand-maître, Jacques de Molay, elle interroge encore aujourd’hui sur ses raisons profondes : hérésie, orgueil et cupidité excessifs, volonté de puissance illimitée ? Et s’il s’agissait de la fin d’un homme-monde et de son ordre ensemble confrontés à un État royal en passe d’affirmer des prétentions absolutistes d’un genre nouveau ?
Agrégé d’histoire et ancien membre de l’École Normale Supérieure de Fontenay–Saint-Cloud et de la section scientifique de la Casa de Velázquez, Philippe Josserand est maître de conférences habilité à diriger des recherches en histoire médiévale à l’université de Nantes. Spécialiste reconnu de la croisade et des ordres militaires, il a coordonné avec Nicole Bériou Prier et combattre. Dictionnaire européen des ordres militaires au Moyen Âge (2009) et récemment codirigé The Templars and their Sources (2017) et À la rencontre de l’Autre. In memoriam Jacques Le Goff (2017).
Le mystère des templiers exerce une fascination particulière chez nos contemporains. La simple évocation d’un grand-maître, d’une commanderie ou d’une baillie suffit à déclencher un puissant imaginaire, mêlant trésor perdu, guerre sainte et complot royal. À partir des sources du procès de l’ordre du Temple, il est pourtant possible de comprendre la réalité templière au début du XIVe siècle et de reconstituer les origines et les carrières des hommes du Temple, dignitaires, chevaliers, chapelains ou sergents. C’est alors tout un peuple qui surgit à travers les 2 336 templiers recensés, actifs pour le plus ancien depuis 1248, et 1 135 physiquement présents dans l’une ou l’autre des procédures. Parmi eux, de nombreux frères issus des commanderies de Troyes, Payns, Fresnoy et Avalleur, à l’image de Chrétien de Bissey, dont le parcours jusqu’à la rafle du 13 octobre 1307 illustre l’incompréhension de ces hommes soudain plongés au cœur d’une affaire qui les dépasse.
Alain Demurger est maître de conférences honoraire en histoire médiévale à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il mène des recherches sur l’histoire du pouvoir royal et de ses agents aux XIVe et XVe siècles, ainsi que sur les croisades et les ordres religieux-militaires au Moyen Âge. Il est notamment l’auteur de nombreux ouvrages sur l’ordre du Temple dont, parmi les derniers titres, La Persécution des Templiers. Journal (1307-1314), Payot, 2015 et Le Peuple templier (1307-1312), C.N.R.S., 2020.
Parler des femmes dans l’ordre du Temple, et a fortiori de sœurs du Temple, parait au premier abord totalement hors-sujet puisque la règle des Templiers est, sur ce point, claire depuis sa rédaction initiale, en 1129, au concile de Troyes : les femmes ne sont pas admises dans l’Ordre.
Pourtant, l’ordre du Temple a accueilli des femmes sont certaines étaient appelées des « sœurs » du Temple. On ne sait presque rien d’elles mais elles sont une réalité. Les cas rencontrés dans le royaume d’Aragon et le Midi de la France sont les mieux connus mais elles apparaissent également dans l’histoire des commanderies templières de Champagne : à Avalleur, à Bonlieu, à Troyes, à la Neuville-au-Temple et à Payns.
Crédit photo : Joana Trincão Aaltonen/Historia et Tradições de Tomar